Par Pavlos Loizou, directeur général, WiRE-FS.

Les changements démographiques et sociaux impactent le marché international du logement, et bien sûr celui de Chypre.

Aux États-Unis, les grandes entreprises et les particuliers fortunés qui achètent des maisons et des appartements pour les revendre ou les louer à des tiers représentent actuellement 20 % de tous les acheteurs de biens. Cette tendance progresse à la hausse depuis deux ans, les personnes disposant des ressources financières nécessaires achetant des biens dans l’intention de les relouer à leurs anciens propriétaires ou de les remettre sur le marché à la recherche d’un locataire.

Alors que les crises financières deviennent plus fréquentes, il y a de plus en plus de personnes qui voient la vente de leurs propriétés comme une opportunité (un abus de langage) pour générer des liquidités pour financer le remboursement de leurs prêts. Dans le même temps, la génération Y (celles nées dans les années 80 et 90) a montré ses préférences pour la location plutôt que pour la propriété et pour les centres-villes où il y a plus de commodités.

Aux États-Unis, sur quelque 140 millions de logements, environ 80 millions sont des maisons familiales. Et parmi ces maisons familiales, quelque 15 millions sont louées, dont 300 000 aux mains d’investisseurs institutionnels. Les autres, dans leur majorité, appartiennent à des professionnels indépendants. Bien qu’il s’agisse d’un nombre relativement faible, il suffit de jauger dans quelle direction le vent souffle.

A Chypre, l’idée de posséder une maison résonne encore chez beaucoup de monde. Cependant, nous pensons que le marché local suivra progressivement une trajectoire similaire à celle des États-Unis, comme l’ont fait la plupart des pays européens.

Une récente analyse WiRE FS des transactions qui ont eu lieu à Nicosie au cours des 18 derniers mois a montré qu’environ 40 % de la valeur des transactions concernaient des appartements, tandis que les deux tiers de ces transactions ont eu lieu dans des zones urbaines. Cela indique la tendance croissante des Chypriotes principalement jeunes à acquérir des appartements plutôt que des maisons (moins chers, plus petits, plus proches des commodités, etc.) et de nombreuses acquisitions provenant d’investisseurs cherchant à générer un revenu locatif en exploitant la demande croissante de location.

En allant un peu plus loin et en regardant les données publiées par Eurostat, il devient plus facile de voir que posséder une propriété perd quelque peu de son attrait. 

En 2009, les propriétaires constituaient 74,1 % du marché chypriote, en 2013 ce nombre est tombé à 73 % et en 2019 (dernières données disponibles), il a encore chuté à 67,9 %. En fait, 2019 a marqué la première année où le pourcentage de propriétaires à Chypre est tombé sous la moyenne de l’UE 27 (69,8%).

Avec l’évolution démographique du pays (moins de naissances, familles plus petites) et les changements dans les normes sociales (augmentation de l’emploi – plus de femmes dans la population active, plus grand besoin de se défouler/de se divertir, etc.), cela affecte inévitablement les besoins de logement des gens.

De nos jours, la plupart des gens ne veulent pas opter pour la grande maison avec la pelouse et la piscine. Ils veulent une unité plus petite et fonctionnelle, proche des commodités et avec de faibles coûts de fonctionnement, car ils s’attendent à passer une grande partie de leur temps à sortir pour prendre un café/dîner et à voyager.

De plus, le nombre de personnes pouvant s’offrir ces propriétés a considérablement diminué par rapport à il y a trente ans. C’est ce que l’on observe également sur les sites des sociétés de gestion de patrimoine : les grandes maisons ne se vendent pas pendant des années, tandis que les appartements ont tendance à être nettement plus liquides.

A Chypre, la population et les ménages ont considérablement augmenté au cours des trente dernières années (de 185 459 ménages en 1992 à 303 242 en 2011), ce qui a entraîné de nombreux changements dans l’offre de biens résidentiels.

Cependant, la principale augmentation de l’offre a été de répondre aux acheteurs étrangers plutôt qu’aux locaux, car la population autochtone a progressivement vieilli et la taille de la famille a diminué au cours des deux dernières décennies.

Alors que nous attendons avec impatience de voir ce que montrera le recensement de 2021, le nombre de ménages (c’est-à-dire de résidents permanents) avec une et deux personnes en 1992 s’élevait respectivement à 69 418 et 156 679, ce qui ne représente que 37 % de tous les ménages. Lors du recensement de 2011, ce nombre est passé à 52 %. 

En revanche, le nombre de ménages de quatre personnes ou plus est passé de 45 % en 1992 à 30 % en 2011 (83 792 en 1992, 91 266 en 2011). La disposition des logements en développement a également changé. Lors du recensement de 2001, les propriétés comptant jusqu’à 5 pièces (y compris la cuisine et le salon) représentaient 52 % de l’ensemble, alors qu’en 2011, ce nombre est passé à 61 %. 

Au cours de cette même période, la plus forte augmentation en pourcentage a été constatée dans les maisons de trois et quatre pièces (18 % et 23 % respectivement); cela correspond à l’évolution des ménages au fil du temps, la taille de la famille diminuant et les jeunes Chypriotes ayant 1 à 2 enfants.

Les tendances du marché immobilier continueront de suivre l’accélération des changements démographiques. L’État, ainsi que le secteur privé, c’est-à-dire les promoteurs, les banques, les investisseurs, etc., doivent suivre.